Vittorio Cottafavi,
IT - 1959. Avec Belinda Lee, Spyros Focas, Arturo
Dominici



«Le personnage de Messaline ne
m'intéressait pas du tout parce qu'elle était
un cas pathologique, racontera plus tard Cottafavi.
Elle manquait d'humanité. C'était une
femme détraquée depuis le début.
Elle ne regardait plus qu'au-dedans d'elle-même
et pas au-dehors; incapable d'aimer ou de haïr,
mais faisant les deux en même temps. C'est pourquoi
elle a fait tuer les hommes qu'elle a aimés;
elle cherchait le pouvoir d'une manière absolue.
Ce que je préfère dans ce film, ce sont
quelques scènes qui regardent avec attention
la vie des Romains à cette époque. La
séquence qui se passe à Rome durant
les fêtes, où l'on voit sur une petite
place deux comédiens en train de jouer du Plaute,
Le soldat fanfaron. Il y a des gens qui sont
assis sur des bancs par terre et les deux pauvres
acteurs, qui n'ont me pas de scène, jouent
devant des maisons, comme cela se passait dans le
temps pour les spectacles populaires. Les gens qui
ne pouvaient se payer les arènes assistaient
à ces spectacles.» Dans la version
de Cottafavi, Messaline se perd elle-même en
sauvant celui qu'elle aime, femme fatale un peu
fleur bleue (ce qu'elle fut probablement, historiquement),
incapable de voir plus loin que le bout de son nez.
Sur l'ordre de Caligula, qui voulait ainsi se moquer
de son lourdaud d'oncle en lui donnant pour femme
une superbe créature, la fille de Barbatus
Messala, Valeria Messalina épousa le consul
Claude en 40 (et non en 41, après la mort de
Caligula, comme le voudrait le film). Une jeune fille
de quinze ans et un quinquagénaire baveux !
L'association était explosive ! Contemplant
son buste, Arthur Weigall lui trouvait un regard bovin.
Plus stupide que méchante, Messaline se laissait
dominer par ses appétits génésiques.
Bien entendu, elle ne fit jamais partie du collège
des Vestales. Ses aventures amoureuses firent les
délices de Félicien Champsaur (L'orgie
latine, 1903) et d'Alfred Jarry (Messaline,
1900). Il est vrai que les frasques de celle qui,
sous le nom de Lysisca, faisait de l'abattage dans
un bouge de Subure, rentrant chez elle à l'aube
«le vagin encore roide», avaient de quoi
stimuler l'imagination. Amoureuse du beau Caius Silius
(le sinistre Arturo Dominici !), elle aurait fait
croire à son naïf mari d'empereur qu'une
prophétie avait annoncé la mort de son
époux dans l'année. D'où que
le benêt se prêta à une mascarade
où il permettait à sa femme d'épouser
officieusement... son amant. La manipulation découverte,
le nouveau «mari» fut bien condamné
à mort, et avec elle cette fine mouche trop
maline, à qui on envoya un prétorien
au glaive bien affûté ! Messaline avait
alors vingt-trois ans.
La fille de Barbatus Messala et de Domitia Lepida
laissait un fils, Britannicus, qu'elle avait eu de
Claude. Elle était la cousine du petit Lucius
Domitius, le futur Néron, et avait haï
Agrippine qui, exilée par son frère
Caligula, avait confié le petit Lucius Domitius
(5 ans) à sa tante Domitia Lepida (la mère
de Messaline, donc). On sait le tragique destin de
Britannicus empoisonné par Agrippine, ou Néron,
ou les deux, ou aucun des deux - car l'empoisonnement
est indémontrable - mais tout de même
décédé à... l'âge
de 14 ans !

Messaline fut sous les traits de
la comtesse italienne Rina di Liguoro la très
méchante héroïne d'un film d'Enrico
Guazzoni (Messaline, 1923) où elle veut
faire sacrifier à Isis une pauvre ingénue.
Ensuite, sous les traits de Gerta Walkyria elle sera
la figure centrale de l'unique péplum brésilien
jamais tourné (Messaline, Luiz De Barros,
1930). En 1937, Merle Oberon l'incarna dans le
I Claudius inachevé de Josef von Sternberg
(1937); et en 1951 ce sera Maria Felix, dans la version
de Carmine Gallone, qui lui prêtera ses traits.
Messaline y animait une faction anti-républicaine
contre celle menée par l'intègre Valérius
Asiaticus. Disgraciée par l'empereur, errant
dans Subure, elle demandait finalement à un
de ses anciens amants, le gladiateur Taurus, de l'aider
à mettre fin à ses jours... Lorsqu'on
découvrit son cadavre on crut au meurtre d'une
simple prostituée (Messaline, 1951).
On la retrouva ensuite interprétée par
Susan Heyward dans Les Gladiateurs (1954),
par Marilu Tolò dans Hercule contre les
Mercenaires/Il gladiatore di Messalina (Umberto
Lenzi, 1964) et par Sheila White dans le feuilleton
I Claudius (1976). Après le succès
de Caligula
(1977) où sous les traits d'Anneka di Lorenzo
et pour les besoins du film, elle se réconciliait
avec sa vieille ennemie Agrippine (Lori Wagner) le
temps d'une scène lesbienne assez hard, elle
sera ensuite de toute une série de péplums
érotiques au début des années
1980' (Caligula et Messaline, Messaline impératrice
et putain, etc.).
Gentleman accompli, le latiniste
Jean-Pierre Néraudau tentera de démontrer
dans ses Louves du Palatin (Belles Lettres,
1988) qu'une femme de la famille impériale
aurait difficilement pu s'adonner à toutes
les fredaines que lui attribua cette malveillante
raclure de bidet nommée Suétone. On
ne plaisante pas avec l'honneur des dames ! Non mais
!
Michel ÉLOY : http://www.peplums.info
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